Origine

Lors de mes premiers concerts, je jouais mes compositions et le public venait souvent me questionner à propos de l’origine des pièces que je présentais en me demandant s’il s’agissait de musique séfarade. À ce moment-là, je n’avais aucune idée de ce qu’était la musique séfarade. J’avais à peine vingt ans et j’avais une affinité particulière, un instinct plutôt pour les modes orientaux et la vocalité mélismatique. Ma harpe m’emportait très vite vers des rythmes et un imaginaire oriental que je sentais très naturel et organique en moi.
Il y a une dizaine d’années environ, ma mère et moi avons retrouvé une cousine passionnée de généalogie qui nous a appris que nous avions des origines séfarades.
À l’issue de cette rencontre, je suis allée au Centre de Musiques Juives de Paris et j’ai commencé à y entreprendre des recherches. C’est avec stupéfaction que j’ai découvert ces mélodies séfarades qu’il me semblait déjà connaître sans les avoir apprises. Les mots des airs que je portais en moi se sont alors révélés. Moi, qui composais jusqu’alors à partir d’improvisations, pratiquant un chant en langues, cherchant les mots de ces musiques qui m’habitaient, je trouvais enfin les mots, leur sens dans le Ladino, langage qu’utilisaient les séfarades, un mélange d’ancien espagnol et d’hébreu.
Je décidais alors d’en dédier tout un programme musical comme pour rétablir cette transmission orale que je n’ai jamais reçu de mère en fille qu’au travers cette mémoire que je porte, chant de ma chair, chant de mon âme, du murmure au cri et qui donnait naissance à ce disque : « De Femmes en Femmes ».
Héritage

Lorsqu’en 1492, les rois catholiques expulsent les juifs d’Espagne, c’est une culture riche de deux mille ans d’histoire qui se répand dans tout le bassin méditerranéen. Quelles que furent leurs destinations, les séfarades emportèrent et conservèrent précieusement leur patrimoine culturel ainsi que la langue judéo-espagnole appelée le plus souvent Ladino. Le répertoire traditionnel séfarade est un répertoire de femmes. Ce fût par les femmes, de mères en filles, que ces chants se transmirent par voie orale à travers les siècles. Ces chansons parlent de leur vie, de leur quotidien, explorant les thèmes de l’amour, du divin, de la solitude, exprimant leurs douleurs intimes, leurs élans amoureux, leurs espoirs, célébrant la vie au travers de messages de sagesse transmis aux générations futures. J’ai choisi d’en arranger quelques titres à la harpe en y ajoutant la lecture de poèmes et une de mes compositions : L’Envol d’Arzach.
Le Duo Racines
Avec son instrumentation originale à la harpe celtique, jouée par Sophie Leleu accompagnant son chant puissant et profond et aux percussions digitales venues d’orient (Turquie, Iran, Moyen Orient…) jouées avec finesse et dextérité par Antoine Morineau, le duo Racines est plein de promesses. À la suite de la découverte de Sophie Leleu sur ses origines séfarades, elle décide d’y consacrer tout un programme qu’elle mêlera à ses propres compositions : un programme sur les femmes. Durant leur exode, les séfarades portant en eux leurs traditions, ont métissé leur musique avec les cultures des différents pays d’accueil qu’ils rencontraient. Sophie Leleu fait appel au talent d’Antoine Morineau pour explorer ensemble les couleurs et dynamiques de ces chansons traditionnelles, alternant écriture, improvisations, transe, lecture de poésies qu’ils colorent à la harpe et rythment tantôt au timbre du zarb, tantôt à celui de la dohola, du daf, du bendir, du req ou encore du udu… Le duo Racines est invité à se produire alors dans différents festivals et en concerts pour jouer le plus souvent dans des lieux de patrimoine ou de culte, révélant ainsi toute la dimension spirituelle de cette musique.